Relevant paintings: "Still Life with Basket of Apples (to Lucien Pissaro)," Vincent van Gogh [Enlarge]
"Still Life with Basket and Six Oranges," Vincent van Gogh [Enlarge]
|
Mon cher Theo,
A la fin des fins voilà que ce matin le temps a changé et s'est
adouci - j'ai donc déjà eu l'occasion d'apprendre
ce que c'est que ce mistral aussi. J'ai fait plusieurs courses dans
les environs, mais toujours il était par ce vent impossible de rien faire.
Le ciel était d'un bleu dur avec un grand soleil brillant, qui
a fait fondre à tant soit peu près toute la quantité de neige - mais le vent
était si froid et si sec qu'on en avait la chair de poule.
Mais néanmoins j'ai vu de bien belles choses - une ruine
d'abbaye sur une colline plantée de houx, de pins,
d'oliviers gris.
Nous attaquerons cela sous peu j'espère.
Maintenant je viens de terminer une étude comme celle qu'a Lucien Pissaro
de moi, mais cette fois-ci c'est des oranges.
Cela fait jusqu'ici huit études que j'ai.
Mais cela ne compte pas, comme j'ai pas encore pu travailler
bien à mon aise et au chaud.
La lettre de Gauguin que j'avais l'intention de t'envoyer, mais
que je croyais momentanément avoir brûlée avec d'autres papiers,
l'ayant retrouvée après, je te l'envoie ci-inclus. Seulement je
lui ai déjà écrit directement, et je lui ai envoyé l'adresse de Russell,
ainsi que j'ai envoyé celle de Gauguin à Russell, afin qu'ils puissent,
s'ils veulent, se mettre en rapport directement.
Mais comme pour beaucoup d'entre nous - et sûrement nous
serons de ce nombre nous-mêmes - l'avenir est encore difficile .
Je crois bien à la victoire finale, mais les artistes en profiteront-ils
et verront-ils des jours plus
sereins ?
je puis avoir tout maintenant à peu près
au prix de Paris.
Samedi soir j'ai eu la visite de deux peintres
amateurs, dont l'un est épicier et vend aussi les articles de peinture,
et l'autre est un juge de paix, qui a l'air bon et intelligent.
Malheureusement je n'arrive guère à vivre à meilleur compte qu'à
Paris, il faut que je compte 5 fr. par jour.
Je n'ai pour le moment encore rien trouvé en fait de pension bourgeoise,
mais cela doit sûrement exister
pourtant.
Si à Paris le temps s'adoucit aussi, cela te fera du bien. Quel hiver !
Je n'ose pas rouler mes études encore, car cela n'a guère
séché, et il y a des empâtements qui ne seront pas
vite secs.
Je viens de lire Tartarin sur les Alpes, qui
m'a énormément amusé.
Est-ce que ce sacré Tersteeg t'a écrit, cela fera toujours du bien - va.
S'il ne répond pas, il entendra parler de nous tout de même,
et nous ferons de façon qu'il n'y ait pas à redire sur
nos actions. Par exemple nous enverrons à Mme Mauve un tableau en
souvenir de Mauve, avec une lettre de nous deux aussi, dans laquelle,
si Tersteeg ne répond pas, nous ne dirons pas un mot contre lui,
mais nous ferons sentir que nous ne méritons pas qu'on nous traite
comme si nous étions des morts. Enfin, il est probable que
Tersteeg n'aura pas de parti pris contre nous en
somme.
Ce pauvre Gauguin n'a pas de chance, je crains bien que dans
son cas la convalescence soit encore plus longue que la quinzaine
qu'il a dû passer au lit.
On s'en consolerait pourtant, si on sentirait qu'il va y venir une
génération d'artistes plus heureux.
J'ai voulu t'écrire tout de suite que j'ai espérance que l'hiver
soit maintenant passé, et j'éspére qu'il en sera de même à Paris.
Poignée de main,
b. à t. Vincent
At this time, Vincent was 34 year oldSource: Vincent van Gogh. Letter to Theo van Gogh. Written c. 9 March 1888 in Arles. Translated by Robert Harrison, edited by Robert Harrison, number 467. URL: https://www.webexhibits.org/vangogh/letter/18/467-fr.htm.
This letter may be freely used, in accordance with the terms of this site.
|