van Gogh's letters - unabridged and annotated
 
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Letter from Vincent van Gogh to Theo van Gogh
Arles, 10 March 1888
Relevant paintings:


"Still Life with French Novels and a Rose," Vincent van Gogh
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Mon cher Theo,

Merci de ta lettre et du billet de 100 fr. y inclus. J'espère bien qu'ainsi que tu es porté à le croire, Tersteeg viendra à Paris sous peu. Ce serait à désirer dans ces circonstances dont tu parles, où ils sont tous aux abois et se trouvent gênés. Je trouve très intéressant ce que tu écris de la vente Lançon, et de la maîtresse du peintre. Il a fait des choses d'un bien grand caractère, son dessin m'a fait bien souvent penser à celui de Mauve. Je regrette de ne pas avoir vu l'exposition de ses études, ainsi que je regrette bien aussi de ne pas avoir vu l'exposition Willette.

Que dis-tu de la nouvelle que l'empereur Guillaume est mort ? Est-ce que cela hâtera des événements en France, et est-ce que Paris va rester tranquille ? On peut en douter; et quels seront les effets de tout cela sur le commerce des tableaux ? J'ai lu qu'il paraît qu'il soit question d'abolir les droits d'entrée des tableaux en Amérique, est-ce vrai ?

Néanmoins les artistes ne trouveront pas mieux que de se mettre ensemble, de donner leurs tableaux à l'association, de partager le prix de vente, de telle façon du moins que la société garantisse la possibilité d’existence et de travail de ses membres.

Si de Gas, Claude Monet, Renoir, Sisley, C. Pissarro, prenaient l'initiative disant: Voici à nous 5 nous donnons chacun 10 tableaux (ou plutôt nous donnons chacun pour une valeur de 10 000 fr. valeur estimée par les membres experts, par exemple Tersteeg et toi, que la société s'adjoint, lesquels experts également versent un capital en tableaux) puis nous nous engageons en outre de donner par an pour une valeur de...

Et nous vous invitons, vous autres, Guillaumin, Seurat, Gauguin, etc., etc., à vous joindre à nous (vos tableaux passant au point de vue valeur par la même expertise).

Alors les grands impressionnistes du Gd. Bd.[Grand Boulevard] donnant des tableaux devenant propriété générale, garderaient leur prestige, et les autres ne pourraient plus leur reprocher de garder pour eux les avantages d'une réputation, acquise sans aucun doute par leurs efforts personnels et par leur génie individuel en premier lieu, mais cependant en deuxième lieu réputation grandissante, solidifiée et maintenue actuellement aussi par les tableaux de tout un bataillon d'artistes, qui jusqu'à présent travaillent dans une dèche continuelle.

Quoi qu'il en soit, il est bien à espérer que la chose se fasse, et que Tersteeg et toi deviennent les membres experts de la société (avec Portier peut-être ?).

J'ai encore deux études de paysages, j'espère que le travail va marcher ferme, et que dans un mois je te ferai parvenir un premier envoi, je dis dans un mois, parce que je ne veux t'envoyer que le meilleur, et parce que je veux que cela soit sec, et parce que je veux en envoyer une douzaine au moins à la fois à cause des frais de transport.

Je te félicite de l'achat du Seurat, avec ce que je t'enverrai il faudra chercher à faire encore un échange avec Seurat aussi.

Tu sens bien que si Tersteeg se met avec toi pour cette affaire, à vous deux vous pourrez bien persuader Boussod Valadon d'accorder sérieusement un crédit pour les achats nécessaires. Mais c'est pressé, puisque sans cela d'autres marchands vous couperaient l'herbe sous le pied.

J'ai fait la connaissance d'un artiste danois [Mourier Peterson] qui parle d'Heyerdahl et d'autres gens du Nord, de Kroyer, etc. Ce qu'il fait est sec, mais très consciencieux, et il est encore jeune. A vu dans le temps l'exposition des impressionnistes, rue Laffitte. Il va probablement venir à Paris pour le Salon, et désire faire un tour en Hollande pour voir les musées.

Je trouve très bien que tu mettes les Livres aussi aux Indépendants, faudra donner comme titre de cette étude: « Romans parisiens. »

Je serais si heureux de savoir que tu aies réussi de persuader Tersteeg, enfin patience.

J'ai été obligé de prendre pour 50 fr. de marchandises lorsque ta lettre est arrivée. Cette semaine je mettrai 4 ou 5 choses en train.

Je pense journellement à cette association d'artistes et le plan s'est encore développé dans mon esprit, mais il faudrait que Tersteeg en soit et beaucoup dépend de cela.

Actuellement les artistes se laisseraient probablement persuader par nous, mais nous ne pouvons pas aller plus avant, avant d'avoir le secours de Tersteeg. Sans cela on serait seul à entendre du matin jusqu'au soir les lamentations de tous, et chacun en particulier viendrait incessamment demander des explications, d'axiomes, etc. Serais peu étonné que Tersteeg serait d'opinion que l'on ne puisse se passer des artistes du Grand Bd., et qu'il avise de les persuader à prendre l'initiative d'une association en donnant des tableaux, devenant propriété générale, cessant de leur appartenir en propre. A une proposition de leur part le Petit Boulevard, selon moi, serait moralement obligé d'adhérer.

Et ces messieurs du Gd. Boul. ne garderont leur prestige actuel qu'en allant au-devant des critiques un peu fondées des petits impressionnistes, qui diront: Vous mettez tout dans votre poche

Ils peuvent très bien y répondre: mais non, nous sommes au contraire les premiers à dire: Nos tableaux appartiennent aux artistes.! Si de Gas, Monet, Renoir, Pissarro disent cela, laissant même beaucoup de marge pour leurs individuelles conceptions quant à mettre cela en pratique, ils pourraient dire pis, à moins de ne rien dire et de laisser aller les choses.

t. à t. Vincent


At this time, Vincent was 34 year old
Source:
Vincent van Gogh. Letter to Theo van Gogh. Written 10 March 1888 in Arles. Translated by Robert Harrison, edited by Robert Harrison, number 468.
URL: https://www.webexhibits.org/vangogh/letter/18/468-fr.htm.

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