[An unfinished letter found among his papers]
Mon cher ami Gauguin,
Merci de m'avoir de nouveau écrit, mon cher ami, et
soyez assuré que depuis mon retour j'ai pensé à vous tous les
jours.
Et cela me fait énormément plaisir que vous dites que le portrait
d'Arlésienne, fondé rigoureusement
sur votre dessin, vous a plu. J'ai cherché à
être fidèle à votre dessin respectueusement et pourtant prenant
la liberté d'interpréter par le moyen d'une couleur
dans le caractère sobre et le style du dessin en question.
C'est une synthèse d'Arlésienne si vous voulez;
comme les synthèses d'Arlésiennes sont rares, prenez
cela comme oeuvre de vous et de moi, comme résumé de nos mois
de travail ensemble. Pour le faire j'ai payé moi pour
ma part encore d'un mois de maladie, mais aussi je sais que c'est une toile,
qui sera comprise par vous, moi, et de rares autres,
comme nous voudrions qu'on comprenne. Ici mon ami le Dr Gachet
y est après deux, trois hésitations venu tout à fait
et dit: « Comme c'est difficile d'être simple ». Bon - je
vais encore souligner la chose en la gravant à l'eau-forte, cette chose-là,
puis basta. L'aura qui voudra.
Avez-vous aussi vu les oliviers ? Maintenant j'ai un portrait
du Dr Gachet à expression navrée de notre temps.
Si vous voulez, quelque chose comme vous disiez de votre
Christ au jardin des oliviers, pas destiné à être
comprise, mais enfin là jusque-là je vous suis et mon frère
saisit bien cette nuance.
[Ici un croquis de la "Cyprés avec une étoile."]
J'ai encore de là-bas un cyprès avec une étoile, un dernier essai - un ciel
de nuit avec une lune sans éclat, à peine
le croissant mince émergeant de l'ombre projetée opaque
de la terre - une étoile à éclat exagéré, si vous voulez,
éclat doux de rose et vert dans le ciel outremer
où courent des nuages. En bas une route bordée
de hautes cannes jaunes, derrière lesquelles les basses
Alpines bleues, une vieille auberge à fenêtres illuminées orangée, et un très
haut cyprès, tout droit, tout sombre.
Sur la route une voiture jaune attelée d'un cheval blanc
et deux promeneurs attardés. Très romantique, si vous voulez, mais aussi
je crois de la Provence.
Probablement je graverai à l'eau-forte celle-là et d'autres paysages
et motifs, souvenirs de Provence, alors je me ferai une fête de vous
en donner un, tout un résumé un peu voulu et étudié.
Mon frère dit que Lauzet, qui fait des lithographies d'après
Monticelli, a trouvé bien la tête d'Arlésienne
en question.
Alors vous comprenez qu'étant arrivé à Paris un peu
ahuri, je n'ai pas encore vu de vos toiles. Mais bientôt
j'espère y retourner pour quelques jours.
[Ici un croquis de La Blé]
Très content d'apprendre par votre lettre, que vous retournez
en Bretagne avec de Haan. Il est fort probable que - si vous
me le permettez - je viendrai pour un mois vous y rejoindre, pour y faire
une marine ou deux, mais surtout pour vous revoir et faire la connaissance de
de Haan. De ces jours-là nous chercherons à faire quelque chose
de voulu et de grave, comme cela serait probablement devenu
si nous eussions pu continuer là-bas.
Tenez, une idée qui peut-être vous ira, je cherche à faire
des études de blé ainsi - je ne peux cependant pas dessiner
cela - rien que des épis bleu vert, feuilles longues comme
des rubans vert & rose par le reflet, épis jaunissant légèrement,
bordés de rose pâle par la floraison poussiéreuse - un liseron
rose dans le bas enroulé autour d'une tige.
Là-dessus sur un fond bien vivant et pourtant tranquille, je voudrais
peindre des portraits. C'est des verts de différente
qualité, de même valeur, de façon à former un tout vert,
qui ferait par sa vibration, songer au bruit doux des épis se
balançant à la brise.
C'est pas commode du tout comme coloration.
At this time, Vincent was 37 year oldSource: Vincent van Gogh. Letter to Paul Gauguin. Written c. 17 June 1890 in Auvers-sur-Oise. Translated by Robert Harrison, edited by Robert Harrison, number 643. URL: https://www.webexhibits.org/vangogh/letter/21/643-fr.htm.
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