Chers frère et soeur,
La lettre de Jo a été pour moi réellement comme un évangile,
Revenu ici, je me suis senti moi aussi encore bien attristé
et avais continué à sentir peser sur moi aussi l'orage, qui vous menace.
Qu'y faire - voyez-vous, je cherche d'habitude à être
de bonne humeur assez, mais ma vie à moi aussi est attaquée à
la racine même, mon pas aussi est chancelant.
J'ai craint - pas tout à fait, mais un peu pourtant -
que je vous étais redoutable étant à votre charge -
mais la lettre de Jo me prouve clairement que vous sentez bien,
que pour ma part je suis en travail et peine comme
vous.
Là - revenu ici je me suis remis au travail -
le pinceau pourtant me tombant presque des mains et -
sachant bien ce que je voulais, j'ai encore depuis peint
trois grandes toiles. Ce sont d'immenses étendues de blés
sous des ciels troublés , et je ne me suis pas gêné pour
chercher à exprimer de la tristesse, de la solitude extrême.
Vous verrez cela j'espère sous peu - car j'espère vous
les apporter à Paris le plus tôt possible, puisque
je croirais presque que ces toiles vous diront, ce que
je ne sais dire en paroles, ce que je vois de sain et de fortifiant
dans la campagne.
Maintenant la troisième toile est le jardin de Daubigny, , tableau que je méditais
depuis que je suis ici.
J'espère de tout mon coeur que le voyage projeté puisse vous
procurer un peu de distraction.
Souvent je pense au petit, je crois que certes c'est mieux
d'élever des enfants, que de donner toute sa force nerveuse à faire
des tableaux, mais que voulez-vous, je suis moi maintenant -
au moins me sens - trop vieux pour revenir sur des pas ou pour avoir envie
d'autre chose. Cette envie m'a passé, quoique la douleur
morale m'en reste.
Je regrette beaucoup de ne pas avoir revu Guillaumin,
mais cela me fait plaisir qu'il ait vu mes toiles. Si je l'avais attendu,
j'aurais probablement resté à causer avec lui de façon
à perdre mon train.
Vous souhaitant de la chance et bon courage et prospérité
relative, je vous prie de dire une fois à la mère et à la soeur que je
pense à elles bien souvent, d'ailleurs j'ai ce matin une lettre d'elles
et répondrai sous peu.
Poignées de main en pensée,
t. à v.
Vincent
Mon argent ne me durera pas bien longtemps cette fois-ci, ayant à mon
retour eu à payer les frais des bagages d'Arles. Je garde
de ce voyage à Paris de bien bons souvenirs, il y a
quelques mois j'osais peu espérer revoir encore les amis. J'ai
trouvé bien du talent à cette dame hollandaise. [Saar de Swart]
Le tableau de Lautrec, portrait de musicienne, est bien
étonnant, je l'ai vu avec émotion.
At this time, Vincent was 37 year oldSource: Vincent van Gogh. Letter to Theo van Gogh. Written c. 10 July 1890 in Auvers-sur-Oise. Translated by Robert Harrison, edited by Robert Harrison, number 649. URL: https://www.webexhibits.org/vangogh/letter/21/649-fr.htm.
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