Mon cher frère,
Merci de ta lettre d'aujourd'hui et du billet de 50 fr. qu'elle contenait.
Je voudrais peut-être t'écrire sur bien des choses,
mais d'abord l'envie m'en a tellement passé, puis j'en sens l'inutilité.
J'espère que tu auras retrouvé ces messieurs dans de bonnes
dispositions à ton égard.
Pour ce qui est de l'état de paix dans ton ménage, je suis autant
convaincu de la possibilité de la conserver que des orages
que la menacent.
Je préfère ne pas oublier le peu de français que je sais, et certes
ne saurais voir l'utilité d'approfondir le tort ou la raison dans
des discussions éventuelles de part ou autre. Seulement
cela m'intéresserait pas.
Ici les choses vont vite - Dries, toi et moi n'en sommes
nous pas un peu plus convaincus le sentons nous pas un peu d'avantage
que ces dames? Tant mieux pour elles - mais enfin causer à tête
reposée nous n'y comptons même pas.
En ce qui me regarde, je m'applique sur mes toiles avec
toute mon attention. Je cherche à faire aussi bien que de certains
peintres, que j'ai beaucoup aimé et admiré.
Ce qu'il me semble en revenant - c'est que les peintres
eux-mêmes sont de plus en plus aux
abois.
Bon…mais le moment de chercher à leur faire
comprendre l'utilité d'une union, n'est-il pas un peu passé
déjà? D'autre part une union, si formerait-elle,
sombrerait si le reste doive sombrer. Alors, tu me
dirais peut-être que des marchands s'uniraient pour les
impressionnistes, ce serait bien passager.
Enfin il me semble que l'initiative personnelle demeure
inefficace et éxperience faite, la recommencerait-on?
J'ai constaté avec plaisir que le Gauguin de Bretagne, que j'ai
vu, était très beau et il me semble que les autres,
qu'il a faits là-bas, doivent l'être aussi.
Peut-être verras-tu ce croquis du jardin de Daubigny -
c'est une de mes toiles les plus voulues. j'y
joins un croquis de vieux chaumes et les croquis
de 2 toiles de 30 représentant d'immenses étendues de blé après
la pluie.
Tasset peut les lui envoyer directement à lui contre remboursement,
mais alors il faudrait lui accorder les 20 %. Ce qui
sera le plus simple. Ou bien tu les joindrais à l'envoi
de couleurs pour moi en ajoutant la facture, ou en me disant
combien en est le montant, et alors il t’enverrait
l'argent à toi. Ici on ne peut pas en trouver de bonnes
de couleurs. J'ai simplifié ma commande à moi jusqu'à un minimum bien raide.
Hirschig commence à comprendre un peu, il m'a semblé;
il a fait le portrait du vieux maître d'école, qu'il lui
a donné, bien - et puis il a des
études de paysage qui sont comme les Koning qui sont chez toi,
à peu près comme couleur. Cela deviendra peut-être tout à fait comme cela
ou comme les choses de Voerman, que nous avons vues ensemble.
A bientôt, porte-toi bien et bonne chance dans les affaires, etc.,
bien le bonjour à Jo et poignées de main en pensée.
t. à t.
Vincent
Le jardin de Daubigny avant-plan d'herbe verte et rose. A gauche un buisson vert
et lilas et une souche de plante à feuillages blanchâtres. Au milieu un parterre
de roses, à droite une claie, un mur, et au-dessus du mur un noisetier
à feuillage violet.
Puis une haie de lilas, une rangée de tilleuls arrondis jaunes, la maison elle-même
dans le fond, rose, à toit de tuiles bleuâtres.
Un banc et 3 chaises, une figure noire à chapeau jaune et sur l'avant-plan
un chat noir. Ciel vert pâle.
At this time, Vincent was 37 year oldSource: Vincent van Gogh. Letter to Theo van Gogh. Written 23 July 1890 in Auvers-sur-Oise. Translated by Robert Harrison, edited by Robert Harrison, number 651. URL: https://www.webexhibits.org/vangogh/letter/21/651-fr.htm.
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